Par Amir Alexander
Le 27 Août 2008
Imaginez,
vous êtes un extraterrestre et vous aspirez
à communiquer malgré l'immensité du
Cosmos, comment
vous
y prendriez-vous ?
I. Comment les extraterrestres pensent-ils ?
Comme vous n'êtes pas un être venu d'ailleurs, il vous est difficile de répondre à cette question, mais vous pouvez jouer le jeu : vous allez, très probablement, envoyer des signaux radios, puisqu'ils sont extrêmement rapides (ils se déplacent à la vitesse de la lumière), voyagent bien, et il est facile de les émettre. En outre, vous projetez problablement d'émettre un signal sur une bande étroite de fréquence, pour que le récepteur puisse le distinguer des autres émissions dans les bandes de fréquence voisines mais surtout pour qu'il puisse le distinguer du bruit de fond cosmique naturel. En d'autres termes, si vous voulez communiquer à travers l'espace interstellaire, vous allez presque à tout les coup utiliser la même technologie que celle qui marche si bien sur notre bonne vieille Terre : une émission radio continue sur une bande étroite de fréquence. Les extraterrestres font-ils de même ?
C'est peut-être le cas. C'est tout du
moins ce que la plupart des chercheurs du projet SETI pensent depuis les premiers
jours de leur aventure,
il y a maintenant un demi-siècle. Aussi, au fil des ans, la
majorité des chercheurs de l'institut SETI ont
centralisé
leurs efforts dans la recherche de signaux de ce type (un pic sur une
bande de fréquence étroite), une aiguille pure et
cristalline enfouie
à
l'intérieur de la botte de foin du bruit cosmique. A ce
titre SETI@home en est l'illustration parfaite, le projet a
consacré la majeure partie de son énorme
puissance de
calcul
à charcuter le bruit de fond cosmique recueilli à
l'état brut à Arecibo en fines tranches de
données, au cas où un signal se cacherait sur une
étroite tranche de fréquence.
Mais là encore, ce n'est pas le cas, peut être qu'ils ne communiquent pas de cette façon. Peut-être que les extraterrestres ont choisi, pour une raison ou pour une autre, un type de signal complètement différent pour communiquer. Par exemple, à défaut d'envoyer des ondes en continue sur une étroite bande de fréquence, ils ont peut être choisi d'envoyer des impulsions radio sur une large bande de fréquence. Celles-ci se distingueraient du bruit de fond cosmique, non plus parce qu'elles sont rigoureusement centrées sur une longueur d'onde, mais parce qu'elles sont très courtes et marquées par des salves d'énergie. Pourquoi les extraterrestres choisiraient cette technique plutôt que celle qui nous est familière ? Qui sait, après tout, nous ne sommes pas des extraterrestres et nous ne sommes pas en mesure d'imaginer les choix technologiques qui s'offrent à eux ou auxquels ils doivent faire face. L'essentiel est de reconnaitre que cette forme de communication est possible, au même titre que les transmissions radio sur une étroite bande de fréquence. Et si les extraterrestres sont en mesure d'envoyer ce type de signaux, il s'ensuit que les chercheurs SETI doivent être à l'affût.
I. Comment les extraterrestres pensent-ils ?
Comme vous n'êtes pas un être venu d'ailleurs, il vous est difficile de répondre à cette question, mais vous pouvez jouer le jeu : vous allez, très probablement, envoyer des signaux radios, puisqu'ils sont extrêmement rapides (ils se déplacent à la vitesse de la lumière), voyagent bien, et il est facile de les émettre. En outre, vous projetez problablement d'émettre un signal sur une bande étroite de fréquence, pour que le récepteur puisse le distinguer des autres émissions dans les bandes de fréquence voisines mais surtout pour qu'il puisse le distinguer du bruit de fond cosmique naturel. En d'autres termes, si vous voulez communiquer à travers l'espace interstellaire, vous allez presque à tout les coup utiliser la même technologie que celle qui marche si bien sur notre bonne vieille Terre : une émission radio continue sur une bande étroite de fréquence. Les extraterrestres font-ils de même ?
Cliquez
pour agrandir l'image > Vue d'artiste d'une planète éloignée habitée par une civilisation extraterrestre Crédit : David A. Aguilar (CfA) |
Mais là encore, ce n'est pas le cas, peut être qu'ils ne communiquent pas de cette façon. Peut-être que les extraterrestres ont choisi, pour une raison ou pour une autre, un type de signal complètement différent pour communiquer. Par exemple, à défaut d'envoyer des ondes en continue sur une étroite bande de fréquence, ils ont peut être choisi d'envoyer des impulsions radio sur une large bande de fréquence. Celles-ci se distingueraient du bruit de fond cosmique, non plus parce qu'elles sont rigoureusement centrées sur une longueur d'onde, mais parce qu'elles sont très courtes et marquées par des salves d'énergie. Pourquoi les extraterrestres choisiraient cette technique plutôt que celle qui nous est familière ? Qui sait, après tout, nous ne sommes pas des extraterrestres et nous ne sommes pas en mesure d'imaginer les choix technologiques qui s'offrent à eux ou auxquels ils doivent faire face. L'essentiel est de reconnaitre que cette forme de communication est possible, au même titre que les transmissions radio sur une étroite bande de fréquence. Et si les extraterrestres sont en mesure d'envoyer ce type de signaux, il s'ensuit que les chercheurs SETI doivent être à l'affût.
Avec
cette idée en tête, Dan Werthimer, le scientifique
en chef
du projet SETI, et
son équipe ont travaillé d'arrache-pied pendant
plusieurs
années pour
développer un nouveau genre de SETI@home avec de nouvelles
capacités.
Comme avec l'application SETI@home classique, le nouveau programme
utilise les
données brutes recueillies lors des observations
à
Arecibo. Comme toujours, les données sont
saucissonnées
en unités de travail et envoyées
aux utilisateurs qui pourront les calculer, les ordinateurs
des
utilisateurs retournent ensuite leurs résultats au quartier
général de SETI@home à
Berkeley. La différence est que cette fois, au lieu de
rechercher des transmissions radio sur une étroite
bande de fréquence, le logiciel va rechercher des pics
extrêmement brefs (ou "signaux pulsés") sur une
large bande de fréquence en provenance
des
étoiles. L'équipe a également
donné un nom à ce nouveau projet pour le
distinguer de la recherche SETI@home traditionnelle. Ce nom c'est
Astropulse.
II. Reconstituer un signal extraterrestre
"La recherche d'un brusque signal sur une large bande de fréquence exige l'utilisation d'une méthodologie complétement différente de celle utilisée pour rechercher un signal traditionnel sur une bande étroite de fréquence" explique Josh Von Korff, membre de l'équipe de recherche du projet SETI@home et responsable du programme Astropulse. La recherche SETI@home classique s'intéresse aux fréquences radio proche de celle de l'hydrogène (la raie de l'hydrogène, l'élément le plus abondant de l'Univers : 75 % en masse et 95% en nombre d'atomes), entre 1418,75 Mhz et 1421,25 Mhz, mais le programme ne permet pas d'analyser simultanément la totalité des 2,5 Mhz de modulation de fréquence. A défaut, les données sont découpées par tranche de 0,07 Hertz afin de rechercher un signal sur une étroite bande de fréquence. Le défi est alors de reconstituer le signal original en contrebalançant l'effet Doppler causé par le mouvement de la Terre par rapport à la rotation d'une éventuelle planète habitée tournant autour de l'étoile ciblée. Comme le mouvement de cette planète n'est pas connu, le programme passe en revue une panoplie de possibilités, il teste une large variété de décalages de fréquence à la recherche d'un véritable signal.
Le programme Astropulse s'intéresse également à la bande de fréquence de 2,5 Mhz de large centrée autour de la raie de l'hydogène, mais il ne perd pas de temps à compenser l'effet Doppler. La raison est qu'Astropulse est à la recherche de signaux qui couvrent l'ensemble des 2,5 Mhz de largeur de bande - soit deux millions et demi de Hertz - plus de trente millions de fois plus large que les fines tranches de fréquence utilisées pour la recherche SETI@home classique. Tout effet Doppler serait noyé dans ce type de signal et cette effet ferait partie intégrante du signal. En conséquence, il n'est pas nécessaire de compenser le décalage de fréquence comme c'est le cas pour les signaux émis sur une bande étroite de fréquence
Mais même si Astropulse n'a pas besoin de se préoccuper de la dérive Doppler, il doit faire attention à un autre problème qui ne se pose pas pour la recherche SETI@home classique. La difficulté est que les ondes électromagnétiques, dont font partie les signaux radio, voyagent dans l'espace à des vitesses légèrement différentes, et cette vitesse dépend de la fréquence. Comme nous l'avons appris à l'école, les signaux radios voyagent tous à la vitesse de la lumière, mais ceci n'est vrai que dans le vide absolu. Les hautes fréquences sont légèrement plus rapides que les fréquences plus basses. Nous connaissons ce phénomène sous le nom de réfraction. Cet effet nous est familier, en effet nous avons tous déjà vu un rayon de lumière blanche se décomposer en plusieurs couleurs après être passé au travers de l'eau ou d'un prisme. Ceci s'explique par le fait que chaque couleur correspond à une longueur d'onde précise, et que ces couleurs se déplacent à des vitesses légèrement différentes.
A première vue, on pourrait penser que ce phénomène devrait à peine altérer les communications à travers l'espace. La lumière peut être altérée par l'eau ou un prisme, mais l'espace interstellaire n'est-il pas composé que de vide ? En l'occurrence, la réponse est clairement non. Si on le compare avec notre environnement terrestre dense, on pourrait effectivement croire que l'espace interstellaire est vide, mais il est en fait très loin d'être vide. Il est surtout composé d'atomes d'hydrogène en densité différente. Ces atomes sont composés par un proton et un électron. Dans bons nombres de cas, les protons et les électrons se sont séparés, on les appelle alors des ions. Les atomes, les ions et les électrons libres forment le milieu interstellaire à travers lequel les signaux doivent se frayer un passage.
Cependant, dans le cadre de la recherche SETI@home classique
s'intéressant aux signaux émis sur une
étoite bande de fréquence, ceci
n'est
pas un problème. Lorsque le signal est concentré
dans une
étroite bande de fréquence, tous ses composantes
se
déplacent à la même vitesse et arrivent
sur Terre
dans le même instant pour donner un signal unique et
cohérent. Mais Astropulse recherche des émissions
continues sur une large bande de fréquence,
à l'intérieur d'un spectre de 2,5 Mhz de
fréquence. Nous pouvons imaginer ce type de signal comme une
combinaison d'une
multitude de signaux en bande étroite placés
côte
à côte à des fréquences
voisines, tous
seraient diffusés simultanément pour donner un
signal unique
en bande large. Toutefois, et en raison des
légères différentes vitesses de
déplacement de chaque fréquence, les plus hautes
fréquences du signal
vont arriver sur Terre avant les basses fréquences. Cela
signifie qu'une impulsion sur une large bande de fréquence qui
était puissante et cohérente au moment
d'être envoyée sera étalée
sur plusieurs millisecondes lorsque le signal arrivera sur Terre. Aucun
signal pulsé de ce type ne
sera immédiatement discernable, et le signal pourra
facilement se perdre dans le
bruit
de fond cosmique.
La première tâche pour Astropulse sera donc d'inverser ce processus de dispersion et de reconstituer un signal absolu. Pour se faire Astropulse utilisera la transformée de Fourier rapide (acronyme anglais : FFT ou Fast Fourier Transform), la même méthode qui est actuellement utilisée dans la recherche SETI classique. FFT découpe les données brutes en fines bandes de fréquence, puis les recombine sur la base d'une suite temporelle. La partie contenant la plus longue longueur d'onde sera combinée avec une portion d'une longueur d'onde légèrement plus courte reçue juste avant. On répète ce processus jusqu'à ce que la longueur d'onde la plus courte du signal, c'est à dire celle qui est arrivée en dernier, ait été atteinte. Si une forte impulsion radio de ce type nous était envoyée, alors la combinaison de toutes ces bandes donnera un signal limpide et puissant.
Cette méthode garde toutefois une grave imperfection. Pour reconstruire correctement le signal avec cette méthode, il faut connaitre le décalage temporel exact entre la portion de fréquence la plus longue et les portions de fréquences plus courtes. Par exemple, si le décalage temporel du signal est en réalité de 4 millisecondes, mais qu'Astropulse ne recombine chaque fréquence reçues que sur la base d'un décalage de 1 milliseconde, alors aucune impulsion ne pourra être enregistrée.
Le seul moyen de reconstituer un signal émis sur une large bande de fréquence serait d'associer ses composantes en bande étroite sur la base du bon décalage temporel entre chaque fréquence. Ce décalage dans le temps dépend de la distance parcourue par le signal dans l'espace interstellaire : plus la distance est grande et plus le décalage est grand. Malheureusement, nous n'avons aucune idée de la localisation d'une civilisation extraterrestre, et donc de la distance que leurs signaux vont devoir parcourir avant d'atteindre la Terre. Et comme nous ne connaissons pas la distance, nous connaissons pas non plus le décalage temporel du signal reçu, et nous ne pouvons le reconstruire.
La seule solution qu'Astropulse ait trouvé pour résoudre ce problème est de tester toute une série de décalages possibles, les uns après les autres. A chaque fois, Astropulse calcule une unité de travail complète à la recherche d'un signal en bande large en recombinant les signaux en bande étroite pour un décalage donné. Le décalage le plus court analysé par le programme entre deux fréquences voisines est de 0,4 millisecondes, et le décalage le plus long est dix fois plus long, c'est à dire 4 millisecondes. Entre ces deux extrêmes, Astropulse calculera chaque unité de calcul près de 15.000 fois.
III. Combien de temps un signal devrait t-il durer
Le calcul de chaque portion de donnée du début jusqu'à la fin à plusieurs reprises exige une puissance de calcul titanesque, cette puissance de calcul serait impossible à réunir pour la plupart des projets scientifiques. Seulement SETI@home, avec l'aide de ses millions de bénévoles à travers le monde qui font tourner le programme sur leur ordinateur peut se targuer de pouvoir analyser chaque bloc de donnée avec une telle étendue et une telle précision. Mais même cela ne suffit pas, si nous savons pas combien de temps dure le signal, il est encore possible de passer au travers d'un signal envoyé par des extra-terrestres dans notre direction.
Par exemple, supposons que les extraterrestres aient envoyé un signal pendant 10 microsecondes, mais que nous ne recherchions que des signaux de 1 microseconde. Dans ce cas, nous ne serions pas en mesure d'associer les parties du signal pour reconstruire la suite temporelle du signal, et le pic caractéristique d'un signal reçu d'un autre monde n'apparaitra pas. L'inverse est également vrai : si nous étions à la recherche d'un signal long mais que le signal dure qu'une fraction de ce temps, alors il est probable que les pics de fréquence n'apparaissent pas et que le signal ne soit jamais détecté. Tout ça pour dire que pour trouver un signal, nous devons être à la recherche d'un signal de même durée ou d'une durée proche à celui du signal réellement émis.
Malheuresement, tout comme nous ne savons pas où habitent les extraterrestres et donc la distance que va parcourir leur signal avant de nous arriver, nous n'avons aucun moyen de savoir combien de temps durera ce signal. Et oui, une fois de plus, Astropulse devra tester un large éventail de possibilités les unes après les autres : en partant d'un signal d'une durée de 0,4 microsecondes, il testera 9 autres durées, chaque durée étant le double de la précédente (0,4 microsecondes, 0,8 microsecondes, 1,6 microsecondes, 3,2 microsecondes, etc...). Astropulse testera chacune de ces 10 possibilités à chaque fois qu'il calculera un décalage temporel donné et cela pour l'ensemble des donnée recueillies à Arecibo.
En résumé : Astropulse calculera chaque unité de calcul près de 15.000 fois, à chaque fois il utilisera un décalage temporel différent entre chaque portion de fréquence voisine. A chaque fois que le programme calculera l'un de ces 15.000 cycles, il les recalculera également 10 fois à la recherche de signaux de longueurs différentes. La puissance de calcul nécessaire serait inconcevable à réunir pour tout projet autre que SETI@home.
IV. Des extraterrestres aux trous noirs
En digne représentant de SETI@home, Astropulse est d'abord et avant tout dédié à la recherche d'un signal extraterrestre émis par une civilisation intelligente. Néanmoins, comme les chercheurs de SETI@home sont prompt à l'admettre, personne ne sait actuellement ce qu'Astropulse va trouver. Après tout, une recherche de signaux sur une large bande de fréquence n'a jamais été tentée auparavant sur une telle portion du ciel, ainsi les scientifiques ne savent pas ce que pourra en ressortir. Est-ce qu'Astropulse va enfin détecter cet insaisissable signal en provenance d'une civilisation extraterrestre ? Où va t-il découvrir une source naturelle émettrice de signaux pulsées sur une large bande de fréquence ?
Dan Werthimer et son équipe ont consciencieusement réfléchi à cette question et ont ciblés les différents objets célestes qui pourraient émettre naturellement des signaux de ce type. Les pulsars pourraient être une des sources possibles de ce type de signaux, en effet les pulsars sont des étoiles à neutron en rotation rapide qui émettent de puissant signaux radio. Les pulsars que nous connaissons émettent rarement des signaux inférieurs à 100 microsecondes, mais il est possible qu'Astropulse puisse découvrir un nouveau genre de pulsars avec des durées d'émission plus courte.
Une possibilité plus exotique serait qu'Astropulse soit en mesure d'enregistrer le "souffle de la mort" théorisé dans le cadre de la théorie de l'évaporation des trous noirs. L'astrophysicien Martin Rees a élaboré une théorie selon laquelle les trous noirs qui s'évaporent sous la forme du rayonnement de Hawking, produiraient un puissant mais bref sursaut radio, qui pourrait potentiellement être détecté par Astropulse. Et puis, il pourrait être possible qu'Astropulse découvre quelque chose de totalement nouveau, que nous ne sommes pas en mesure d'imaginer à l'avance. Et c'est, après tout, la solution la plus probable.
Comme les données utilisées par SETI@home, les
données d'Astropulse proviennent des observations
effectuées avec le radio-télescope d'Arecibo par
le
consortium ALFA (Arecibo L-band Feed Array, réseau de
distribution en bande L). Astropulse utilise également le
récepteur
multi-faisceaux installé sur le
radiotélescope.
Les données sont enregistrées puis
conditionnées
en unités de travail de 8 Mo chacune, qui sont
envoyées
aux utilisateurs du monde entier pour les calculer. Le programme
Astropulse se télécharge automatiquement sur les
ordinateurs des bénévoles, les utilisateurs n'ont
à effectuer aucune manipulation pour rejoindre la recherche
de
signaux émis sur une large bande de fréquence.
Les premières unités de travail Astropulse ont été distribuées dès le début du mois d'Août 2008, et l'ensemble des utilisateurs ne verront aucun changement significatif dans le fonctionnement de SETI@home sur leur ordinateur. Avec 8 Mo, les unités Astropulse sont plus lourdes que les unités SETI@home classiques, et comme nous l'avons vu, elles exécutent une analyse intensive distincte. De ce fait, les utilisateurs remarqueront qu'il faut plus de temps pour calculer une unité Astropulse. Pendant ce temps, les unités de calcul SETI@home classiques continueront à être calculées au coté des unités Astropulse.
Astropulse est maintenant lancé à la recherche de brefs signaux radio sur une large bande de fréquence en provenance de l'espace. Que va t-il trouver ? Va t-il découvrir ce signal en provenance d'une civilisation extraterrestre depuis si longtemps recherché ? Va t-il détecter de nouveaux pulsars, trous noirs, où peut-être un phénomène naturel totalement nouveau que nous ne soupçonnons même pas. A l'instar de Galilée qui il y a 4 siècles a tourné son télescope vers le ciel, Astropulse regarde vers le ciel d'une manière totalement nouvelle et sans précédent. Qui sait ce qu'il va mettre à jours.
II. Reconstituer un signal extraterrestre
"La recherche d'un brusque signal sur une large bande de fréquence exige l'utilisation d'une méthodologie complétement différente de celle utilisée pour rechercher un signal traditionnel sur une bande étroite de fréquence" explique Josh Von Korff, membre de l'équipe de recherche du projet SETI@home et responsable du programme Astropulse. La recherche SETI@home classique s'intéresse aux fréquences radio proche de celle de l'hydrogène (la raie de l'hydrogène, l'élément le plus abondant de l'Univers : 75 % en masse et 95% en nombre d'atomes), entre 1418,75 Mhz et 1421,25 Mhz, mais le programme ne permet pas d'analyser simultanément la totalité des 2,5 Mhz de modulation de fréquence. A défaut, les données sont découpées par tranche de 0,07 Hertz afin de rechercher un signal sur une étroite bande de fréquence. Le défi est alors de reconstituer le signal original en contrebalançant l'effet Doppler causé par le mouvement de la Terre par rapport à la rotation d'une éventuelle planète habitée tournant autour de l'étoile ciblée. Comme le mouvement de cette planète n'est pas connu, le programme passe en revue une panoplie de possibilités, il teste une large variété de décalages de fréquence à la recherche d'un véritable signal.
Le programme Astropulse s'intéresse également à la bande de fréquence de 2,5 Mhz de large centrée autour de la raie de l'hydogène, mais il ne perd pas de temps à compenser l'effet Doppler. La raison est qu'Astropulse est à la recherche de signaux qui couvrent l'ensemble des 2,5 Mhz de largeur de bande - soit deux millions et demi de Hertz - plus de trente millions de fois plus large que les fines tranches de fréquence utilisées pour la recherche SETI@home classique. Tout effet Doppler serait noyé dans ce type de signal et cette effet ferait partie intégrante du signal. En conséquence, il n'est pas nécessaire de compenser le décalage de fréquence comme c'est le cas pour les signaux émis sur une bande étroite de fréquence
Mais même si Astropulse n'a pas besoin de se préoccuper de la dérive Doppler, il doit faire attention à un autre problème qui ne se pose pas pour la recherche SETI@home classique. La difficulté est que les ondes électromagnétiques, dont font partie les signaux radio, voyagent dans l'espace à des vitesses légèrement différentes, et cette vitesse dépend de la fréquence. Comme nous l'avons appris à l'école, les signaux radios voyagent tous à la vitesse de la lumière, mais ceci n'est vrai que dans le vide absolu. Les hautes fréquences sont légèrement plus rapides que les fréquences plus basses. Nous connaissons ce phénomène sous le nom de réfraction. Cet effet nous est familier, en effet nous avons tous déjà vu un rayon de lumière blanche se décomposer en plusieurs couleurs après être passé au travers de l'eau ou d'un prisme. Ceci s'explique par le fait que chaque couleur correspond à une longueur d'onde précise, et que ces couleurs se déplacent à des vitesses légèrement différentes.
A première vue, on pourrait penser que ce phénomène devrait à peine altérer les communications à travers l'espace. La lumière peut être altérée par l'eau ou un prisme, mais l'espace interstellaire n'est-il pas composé que de vide ? En l'occurrence, la réponse est clairement non. Si on le compare avec notre environnement terrestre dense, on pourrait effectivement croire que l'espace interstellaire est vide, mais il est en fait très loin d'être vide. Il est surtout composé d'atomes d'hydrogène en densité différente. Ces atomes sont composés par un proton et un électron. Dans bons nombres de cas, les protons et les électrons se sont séparés, on les appelle alors des ions. Les atomes, les ions et les électrons libres forment le milieu interstellaire à travers lequel les signaux doivent se frayer un passage.
Cliquez
pour agrandir l'image > L'observatoire d'Arecibo, Porto Rico Le lieu de collecte des données de SETI@home. Le radiotélescope de 300 mètres, le plus grand au monde, est menacé de fermeture pour des raisons budgétaires. La Planetary Society lutte pour sauver cette installation. Credit: NAIC - observatoire d'Arecibo, une installation propriété de la National Science Foundation |
La première tâche pour Astropulse sera donc d'inverser ce processus de dispersion et de reconstituer un signal absolu. Pour se faire Astropulse utilisera la transformée de Fourier rapide (acronyme anglais : FFT ou Fast Fourier Transform), la même méthode qui est actuellement utilisée dans la recherche SETI classique. FFT découpe les données brutes en fines bandes de fréquence, puis les recombine sur la base d'une suite temporelle. La partie contenant la plus longue longueur d'onde sera combinée avec une portion d'une longueur d'onde légèrement plus courte reçue juste avant. On répète ce processus jusqu'à ce que la longueur d'onde la plus courte du signal, c'est à dire celle qui est arrivée en dernier, ait été atteinte. Si une forte impulsion radio de ce type nous était envoyée, alors la combinaison de toutes ces bandes donnera un signal limpide et puissant.
Cette méthode garde toutefois une grave imperfection. Pour reconstruire correctement le signal avec cette méthode, il faut connaitre le décalage temporel exact entre la portion de fréquence la plus longue et les portions de fréquences plus courtes. Par exemple, si le décalage temporel du signal est en réalité de 4 millisecondes, mais qu'Astropulse ne recombine chaque fréquence reçues que sur la base d'un décalage de 1 milliseconde, alors aucune impulsion ne pourra être enregistrée.
Le seul moyen de reconstituer un signal émis sur une large bande de fréquence serait d'associer ses composantes en bande étroite sur la base du bon décalage temporel entre chaque fréquence. Ce décalage dans le temps dépend de la distance parcourue par le signal dans l'espace interstellaire : plus la distance est grande et plus le décalage est grand. Malheureusement, nous n'avons aucune idée de la localisation d'une civilisation extraterrestre, et donc de la distance que leurs signaux vont devoir parcourir avant d'atteindre la Terre. Et comme nous ne connaissons pas la distance, nous connaissons pas non plus le décalage temporel du signal reçu, et nous ne pouvons le reconstruire.
La seule solution qu'Astropulse ait trouvé pour résoudre ce problème est de tester toute une série de décalages possibles, les uns après les autres. A chaque fois, Astropulse calcule une unité de travail complète à la recherche d'un signal en bande large en recombinant les signaux en bande étroite pour un décalage donné. Le décalage le plus court analysé par le programme entre deux fréquences voisines est de 0,4 millisecondes, et le décalage le plus long est dix fois plus long, c'est à dire 4 millisecondes. Entre ces deux extrêmes, Astropulse calculera chaque unité de calcul près de 15.000 fois.
III. Combien de temps un signal devrait t-il durer
Le calcul de chaque portion de donnée du début jusqu'à la fin à plusieurs reprises exige une puissance de calcul titanesque, cette puissance de calcul serait impossible à réunir pour la plupart des projets scientifiques. Seulement SETI@home, avec l'aide de ses millions de bénévoles à travers le monde qui font tourner le programme sur leur ordinateur peut se targuer de pouvoir analyser chaque bloc de donnée avec une telle étendue et une telle précision. Mais même cela ne suffit pas, si nous savons pas combien de temps dure le signal, il est encore possible de passer au travers d'un signal envoyé par des extra-terrestres dans notre direction.
Par exemple, supposons que les extraterrestres aient envoyé un signal pendant 10 microsecondes, mais que nous ne recherchions que des signaux de 1 microseconde. Dans ce cas, nous ne serions pas en mesure d'associer les parties du signal pour reconstruire la suite temporelle du signal, et le pic caractéristique d'un signal reçu d'un autre monde n'apparaitra pas. L'inverse est également vrai : si nous étions à la recherche d'un signal long mais que le signal dure qu'une fraction de ce temps, alors il est probable que les pics de fréquence n'apparaissent pas et que le signal ne soit jamais détecté. Tout ça pour dire que pour trouver un signal, nous devons être à la recherche d'un signal de même durée ou d'une durée proche à celui du signal réellement émis.
Malheuresement, tout comme nous ne savons pas où habitent les extraterrestres et donc la distance que va parcourir leur signal avant de nous arriver, nous n'avons aucun moyen de savoir combien de temps durera ce signal. Et oui, une fois de plus, Astropulse devra tester un large éventail de possibilités les unes après les autres : en partant d'un signal d'une durée de 0,4 microsecondes, il testera 9 autres durées, chaque durée étant le double de la précédente (0,4 microsecondes, 0,8 microsecondes, 1,6 microsecondes, 3,2 microsecondes, etc...). Astropulse testera chacune de ces 10 possibilités à chaque fois qu'il calculera un décalage temporel donné et cela pour l'ensemble des donnée recueillies à Arecibo.
En résumé : Astropulse calculera chaque unité de calcul près de 15.000 fois, à chaque fois il utilisera un décalage temporel différent entre chaque portion de fréquence voisine. A chaque fois que le programme calculera l'un de ces 15.000 cycles, il les recalculera également 10 fois à la recherche de signaux de longueurs différentes. La puissance de calcul nécessaire serait inconcevable à réunir pour tout projet autre que SETI@home.
IV. Des extraterrestres aux trous noirs
En digne représentant de SETI@home, Astropulse est d'abord et avant tout dédié à la recherche d'un signal extraterrestre émis par une civilisation intelligente. Néanmoins, comme les chercheurs de SETI@home sont prompt à l'admettre, personne ne sait actuellement ce qu'Astropulse va trouver. Après tout, une recherche de signaux sur une large bande de fréquence n'a jamais été tentée auparavant sur une telle portion du ciel, ainsi les scientifiques ne savent pas ce que pourra en ressortir. Est-ce qu'Astropulse va enfin détecter cet insaisissable signal en provenance d'une civilisation extraterrestre ? Où va t-il découvrir une source naturelle émettrice de signaux pulsées sur une large bande de fréquence ?
Dan Werthimer et son équipe ont consciencieusement réfléchi à cette question et ont ciblés les différents objets célestes qui pourraient émettre naturellement des signaux de ce type. Les pulsars pourraient être une des sources possibles de ce type de signaux, en effet les pulsars sont des étoiles à neutron en rotation rapide qui émettent de puissant signaux radio. Les pulsars que nous connaissons émettent rarement des signaux inférieurs à 100 microsecondes, mais il est possible qu'Astropulse puisse découvrir un nouveau genre de pulsars avec des durées d'émission plus courte.
Une possibilité plus exotique serait qu'Astropulse soit en mesure d'enregistrer le "souffle de la mort" théorisé dans le cadre de la théorie de l'évaporation des trous noirs. L'astrophysicien Martin Rees a élaboré une théorie selon laquelle les trous noirs qui s'évaporent sous la forme du rayonnement de Hawking, produiraient un puissant mais bref sursaut radio, qui pourrait potentiellement être détecté par Astropulse. Et puis, il pourrait être possible qu'Astropulse découvre quelque chose de totalement nouveau, que nous ne sommes pas en mesure d'imaginer à l'avance. Et c'est, après tout, la solution la plus probable.
Cliquez
pour agrandir l'image > Le récepteur multi-faisceaux installé à Arecibo Ce récepteur est situé sous le dôme grégorien Crédit : NAIC - Observatoire d'Arecibo, instalaltion du NSF |
Les premières unités de travail Astropulse ont été distribuées dès le début du mois d'Août 2008, et l'ensemble des utilisateurs ne verront aucun changement significatif dans le fonctionnement de SETI@home sur leur ordinateur. Avec 8 Mo, les unités Astropulse sont plus lourdes que les unités SETI@home classiques, et comme nous l'avons vu, elles exécutent une analyse intensive distincte. De ce fait, les utilisateurs remarqueront qu'il faut plus de temps pour calculer une unité Astropulse. Pendant ce temps, les unités de calcul SETI@home classiques continueront à être calculées au coté des unités Astropulse.
Astropulse est maintenant lancé à la recherche de brefs signaux radio sur une large bande de fréquence en provenance de l'espace. Que va t-il trouver ? Va t-il découvrir ce signal en provenance d'une civilisation extraterrestre depuis si longtemps recherché ? Va t-il détecter de nouveaux pulsars, trous noirs, où peut-être un phénomène naturel totalement nouveau que nous ne soupçonnons même pas. A l'instar de Galilée qui il y a 4 siècles a tourné son télescope vers le ciel, Astropulse regarde vers le ciel d'une manière totalement nouvelle et sans précédent. Qui sait ce qu'il va mettre à jours.
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