Malaria
Le premier article scientifique basé sur les résultats du projet malariacontrol.net vient d'être publié.
L'article intitulé "Modélisation de l'impact épidémiologique du traitement préventif intermittent du paludisme chez le nourrisson" est librement et intégralement consultable à cette adresse.

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Les nouveautés du projet (Août 2008) :

Reprogrammation du modèle :

Plus tôt dans l'année, les scientifiques du projet ont décidé de convertir intégralement le code du modèle épidémiologique utilisé, c'est à dire de passer du Fortran 90 au C/C++. En effet, la soutenabilité du projet est devenue un paramètre de plus en plus important au fur et à mesure du développement et de l'intégration de nouveaux éléments au modèle. La réécriture a débuté en Juin, et arrive à son terme (il ne reste plus que les étapes qui visent à valider ces améliorations). Une bonne partie du travail a été effectué par Tiago Antao qui travaille avec Ian Hastings à l'Ecole de médecine tropicale de Liverpool. Tiago et Ian s'intéressent aux problèmes de la résistance du paludisme aux traitements médicamenteux, ils coopèrent depuis 2006 avec l'équipe de l'Institut Tropical Suisse.

Diminution des besoins en puissance de calcul du projet :

Les besoins en puissance de calcul du projet devraient diminuer à compter de la fin de cette année. La raison est qu'un grand nombre de modèles convergent vers les données recueillies sur le terrain, et que pour l'instant, il n'est pas envisagé de lancer d'autres modèles. C'est ce qui explique la fermeture de la création de nouveaux comptes sur le projet malariacontrol.net.


Résumé de l'article scientifique :

Contexte :

Des études menées sur le terrain ont démontré l'effet positif du traitement préventif intermittent des nouveau-nés contre le paludisme (IPTi) par l'utilisation du sulphadoxine-pyriméthamine (SP). L'IPTi consiste à administrer à interval régulier un traitement antipaludique préventif au cours de la première année de la vie du nourrisson (voir : http://www.ipti-malaria.org/).  Le nombre limité de doses prescrites est destiné à conserver les avantages de la chimioprophylaxie (c'est à dire l'administration d'une substance chimique pour empêcher l'apparition d'une maladie ou de ses manifestations) hebdomadaire ou bimenseulle tout en évitant les inconvénients (viabilité du projet, accélération de la résistance aux médicaments, altération des défenses immunitaires naturelles)
Le traitement IPTi protège efficacement, bien que de façon variable, contre la survenance des infections de paludisme. Les effets de l'IPTi dans différents contextes épidémiologiques et dans le temps sont inconnus et les prévisions sont rendues difficiles par le manque de connaissances sur la façon de mettre en œuvre l'IPTi. Cette étude s'intéresse à l'action de l'IPTi et réalise des prévisions sur l'influence probable de ce traitement sur le taux de morbidité et de mortalité.

Méthodologie / Principales découvertes :

Nous utilisons un modèle stochastique (aléatoire) complet et individuel de l'épidémiologie de paludisme pour simuler les études récemment réalisées sur le traitement préventif intermittent des nouveau-nés par l'utilisation du sulphadoxine-pyriméthamine. Les données utilisées proviennent de lieux géographiques spécifiques où des études ont déjà été menées (à Manhiça au sud du Mozambique, Ifakara au sud est de la Tanzanie, Navrongo et Tamale au nord du Ghana, Kumasi au sud du Ghana et Lambaréné au nord est du Gabon). Ce modèle de référence a ensuite été modifié pour tester les hypothèses relatives à la durée d'action du sulphadoxine-pyriméthamine, la durée des fièvres chez les individus infectés, l'amélioration potentielle de l'immunité suite au traitement des fièvres et les effets sur l'évolution du parasite après l'utilisation de sous produits thérapeutiques. Le modèle de référence reproduit relativement bien ce qui est observé dans l'échantillon résultat. Aucun des modèles construit sur des hypothèses alternatives n'améliore la convergence entre les prédictions et les données observées. Les prévisions suggèrent que l'IPTi pourrait avoir une action favorable pour des taux de transmission (nombre de piqûres par Homme et par an) relativement variés. Il était déjà prévu que l'IPTi serait en mesure d'éviter un grand nombre de cas de paludisùe lorsque le traitement est largement diffusé, dans des contextes où le système de soin est appauvri en moyen humain et matériel et pour les médicaments les plus efficaces (durée d'action la plus longue).
Les résultats du modèle montrent que les avantages cumulatifs prévus ont été proportionnellement un peu plus important dans des situations de paludisme grave et dans des situation de mortalité attribuable au paludisme. Une légère augmentation de l'hypersensibilité a été prévue entre l'injection de chaque dose et après la dernière dose, mais elle est compensée par les avantages cumulatifs précédemment exposés. Les répercussions sur l'intensité de la transmission du paludisme sont négligeables.


Conclusions :

Les résultats de cette étude peuvent être retenus pour différencier, au sein des lieux géographiques où ont été menés les études, les caractéristiques épidémiologiques connues du paludisme et l'action du sulphadoxine-pyriméthamine.
Les prévisions suggèrent que l'IPTi aurait un impact bénéfique dans une variété de contextes épidémiologiques.


Quelques graphiques et tableaux tirés de cette étude :


Tableau 2 : les variables utilisées dans les différents scénarios**


Variables Description Valeurs
Intensité de la transmission Piqûres infectées par adulte et par an avant le début du traitement IPTi  élévé : 200
modéré : 100
référence : 21
faible : 6
Système de soin Proportion de fièvres traitées 4 %, 30 %
Résistance aux médicaments Occurence de 3 génotypes 100%, 0%, 0%
80%, 10%, 10%
0%, 0%, 100%
Durée du traitement prophylactique Durée en jours pendant laquelle le médicament agit dans le sang contre les infections pour chacun des 3 génotypes 0, 0, 0 jours (traitement uniquement)
50, 10, 0 jours (sulphadoxine-pyriméthamine)
100, 20, 0 jours
Calendrier du traitement IPTi Âge lors de l'administration de chaque dose 3, 4 et 9 mois
Dose unique entre 1,5 et 24 mois*
Diffusion de l'IPTi Proportion d'enfants pouvant bénéficier des 3 doses du traitement (première, seconde, et troisième dose) 89% (95%, 95%, 99%)
50% (79%, 79%, 79%)
100% (100%, 100%, 100%)


** Une seule variable varie à la fois, les variables qui ne sont pas évaluées sont fixées au niveau de référence (représenté en gras dans ce tableau)
* Nous étudions l'effet du traitement en fonction de l'âge, pour celà, nous simulons la prescription d'une dose d'IPTi unique en faisant varier l'âge.

La corrélation entre les prévisions du modèle de référence et les essais réalisés sur le terrain est généralement bonne (Graphique 3 et Tableau 3). Cependant, les effets protecteurs bénéfiques et continus de l'IPTi observé à Ifakara entre les doses et après la dernière dose n'ont pas été entièrement modélisés. Les résultats de l'étude à Ifakara pour les périodes entre les doses et après la dernière dose pourraient être modélisés en réduisant l'intensité de transmission comme celà avait été découvert dans une autre étude, mais seulement lorsque l'intensité est réduite d'au moins 70% au cours de la seconde année.

Graphique 3 : Comparaison par groupe d'âge entre l'efficacité de l'IPTi (par utilisation du sulphadoxine-pyriméthamine) estimée suite aux prédictions du modèle de référence et suite aux essais menés sur le terrain

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Sommaire :
Cercle vide : Résultats des études menées sur le terrain estimés avec un interval de confiance de 95 %
Cercle plein : Modèle de prédiction de référence (calculs du projet malariacontrol.net)
Protection : réduction (en %) de la survenance des cas de paludisme clinique suite au traitement IPTi comparé à une population traitée avec un placebo.


Tableau 3 : Convergence du modèle avec les cas de paludisme grave réellement observés (évalutation par la méthode du carré moyen total)

Description du modèle Navrongo Manhiça Ifakara Total
Modèle 1 Référence 0,618 0,046 0,239 0,903
Modèle 2 Action sur 30 jours du SP 0,557 0,039 0,386 0,982
Modèle 3 Cas de paludisme répétés 1,515 0,534 0,089 2,138
Modèle 4 Fièvres évitées 0,699 0,043 0,180 0,922
Modèle 5 Infections atténuées 2,845 0,423 0,128 3,396


Nous calculons le carré de la différence entre l'efficacité mesurée suite aux essais menés sur le terrain et l'efficacité mesurée dans les prévisions du modèle, ce calcul est pondéré par le risque par tranche d'âge et pour 100 personnes et les différences sont additionnées pour évaluer la fidelité globale de la modélisation. Plus le chiffre se rapproche de zéro et plus la modélisation retranscrit parfaitement ce qui a été observé dans les études réalisées sur le terrain. Les trois études qui ont mesurées le taux d'inoculation entomologique (nombre de piqûres infectantes qu’un individu subit chaque année) ont été utilisées pour tester les différents modèles, les trois autres études ont seulement été utilisées pour valider les résultats du modèle.



Tableau 4 : Efficacité observée et prédite du traitement face à des cas cliniques de paludisme grave

Admissions hospitalières observées de patients infectés par le parasite Admissions observées toutes causes confondues Prévision des admissions associées à un cas clinique de paludisme grave (modèle 1)
Première dose , 12 mois
Ifakara 58,5 (28,7 ; 75,8) 29,2 (6,6 ; 46,2) 48,7
Navrongo 50,2 (22,6 ; 68,0) 17,7 (-0,1 ; 32,3) 32,9
Manhiça 22,5 (-16,0 ; 48,2) 24,6 (7,2 ; 38,7) 30,0
5 mois après la première dose
Ifakara 15,3 (-65,0 ; 56,5) -4,9 (-47,1 ; 25,2) 18,5
Navrongo -14,2 (-95,9 ; 33,4) -16,3 (53,0 ; 11,6) 0,04
Manhiça -32,0 (-114 ; 18,2) 8,1 (-25,7 ; 32,8) -1,7


Graphique 4 : Efficacité prévue du traitement et protection globale par tranche d'âge


Les 3 courbes du graphique A sont assez similaires. On observe un léger effet négatif après l'administration de la dernière dose. Le petit décalage entre les pics d'efficacité maximale est dû aux décès provoqués indirectement par le paludisme. Ces décès se produisent 30 jours après un épisode grave de paludisme. En revanche la protection globale varie beaucoup plus en fonction des paramètres (graphique B) : à l'âge de 4 ans, le traitement est le plus efficace pour lutter contre la mortalité liée au paludisme. L'efficacité cumulée prédite ne passe jamais sous la ligne des 0% pour ce scénario, mais également dans tous les autres scénarios qui ont été simulés.

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Sommaire :
A : Efficacité prédite en fonction de l'âge.
B :  Efficacité globale prédite par le modèle 1 en fonction de l'âge de l'individu et du scénario de référence. Les doses d'IPTi ont été administrées en suivant un plan de vaccination précis à 3, 4 et 9 mois. Ligne en pointillé : cas de paludisme clinique ; ligne discontinue : cas graves ; ligne pleine : paludisme entrainant le decès du patient.


Graphique 5 : Modélisation des cas de paludisme évités depuis le début du programme IPTi

Le nombre de cas évités augmente constamment au cours des 20 ans qui suivent le début du programme IPTi. Cette augmentation linéaire réflète l'impact négligeable de l'IPTi et de ses effets à court terme sur la transmission de la maladie. Le traitement permet d'éviter, en premier lieu, les cas de paludisme clinique (graphique A), mais il y a plus de décès évités lorsque le nombre de piqûres infectées est élévé (graphique C). Le nombre de morts évités est plus important lorsque le système de soin local ne permet de traiter que superficiellement les fièvres liées au paludisme et que la durée d'action du médicament est longue. Une large diffusion de l'IPTi et une meilleure efficacité du médicament (ou une faible résistance aux médicaments) permettent également d'éviter un grand nombre d'infections. Le léger effet négatif suivant la dernière dose (comme observé dans le graphique 4) est réduit dans les régions où l'impact de l'IPTi est moindre (faible efficacité thérapeutique, forte proportion de fièvres traitées par le système de santé, où dans les régions avec une faible intensité de transmission du parasite et donc une immunité acquise faible).

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Première colonne : Conséquence d'une variation du taux d'inoculation entomologique (nombre de piqûres infectantes qu’un individu subit chaque année) : 6 (ligne en pointillé), 21 (ligne continue), 100 (ligne en pointillé discontinue), 200 (ligne discontinue) dans des cas de paludisme :
A. clinique
B. grave
C. entrainant la mort

Seconde colonne : Conséquence d'une variation de 4% de la capacité du système de santé à traiter les fièvres liées aux infections de paludisme (ligne continue), de 30 % (ligne discontue et pointillée) dans des cas de paludisme :
D. clinique
E. grave
F. entrainant la mort

Troisième colonne : Conséquence d'une variation de la période protectrice aux infections sensibles pour le traitement uniquement (ligne discontinue), de 50 jours (ligne continue), 100 jours (ligne en pointillé) dans des cas de paludisme :
G. clinique
H. grave
I. entrainant la mort

Les variables qui n'ont pas été estimées sont fixées au niveau de référence comme définit dans le Tableau 2.


Graphique 6 : Infections évitées pour 1000 individus et sur 20 ans après la prescription d'une dose individuelle d'IPTi en fonction de l'âge et dans des cas de paludisme : A. aigu ; B. grave ; C. entrainant la mort

Nous simulons le nombre d'infections évitées en faisant varier l'importance du plan de vaccination. Les modélisations suggèrent que l'espacement entre les doses est important. Avec un plus grand nombre d'infections évitées pour des doses prescrites à 4, 6 et 9 mois que pour des doses administrées à 4, 5 et 9 mois. Pour simplifier, nous montrons l'effet de l'âge au moment du traitement en simulant les effets de l'injection d'une dose unique (même si les infections évitées sont inférieures par rapport au traitement en 3 temps). Le modèle montre qu'une dose unique de sulphadoxine-pyriméthamine a un impact bénéfique quel que soit le nombre de piqûres infectantes et l'âge (jusqu'à 24 mois). C'est à 5 mois qu'un maximum de cas aigus et de décès sont évités pour une dose unique et pour des intensités de transmission élévées et modérées, mais il n'y a pas de pics observables au cours des 24 premiers mois dans le cas d'un taux de transmission faible (Graphique 6). En ce qui concerne les infections graves, on peut observer deux pics avec un taux de transmission fort à modéré. Ces pics réflètent un transfert entre 2 types de paludismes graves dans le modèle.  À un âge précoce, la majorité des infections graves évitées sont dûes à une infection aigue en conjonction avec une autre maladie, et à un âge plus avancé, ce sont les maladies parasitaires qui dominent. Avec une simple dose à un âge plus avancé, il y a plus de cas évités à des taux de transmission modérés. Lorsque ce taux est faible, il a été proposé que les doses administrées à un âge plus avancé évitent le plus grand nombre d'infections, et nos prévisions sont en accords avec celà. Cependant, ce résultat est très incertain dans nos prévisions pour les taux de transmission faible du fait de la diversité des effets.

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Carré plein : taux d'inoculation entomologique (EIR) de 200 (nombre de piqûres infectantes qu’un individu subit chaque année)
Triangle vide : EIR = 21
Cercle vide : EIR = 6
Cercle plein : EIR = 1